Le Conseil d’État est la plus haute autorité de l’ordre juridictionnel administratif, cela signifie qu’il est le juge en dernier ressort des actes des administrations publique.
Ainsi lorsque l’on souhaite faire annuler les actes, arrêtés, décrets, du gouvernement ou d’un ministre, il est possible de former un recours directement auprès du Conseil d’État.
S’il s’agit de protéger une liberté publique, un droit fondamental, contre un acte qui y porterait atteinte, alors ce recours peut être formé en urgence, on appel cela un référé. Ce référé administratif permet d’obtenir une réponse du juge dans les 48h.
Le recours peut être formulé par n’importe quel citoyen, sans avoir besoin de l’assistance d’un avocat, ce recours est par définition gratuit.
Toutefois, avant son envoie, la plateforme de dépôt en ligne “Télérecours” prend soin de vous indiquer que le juge peut vous condamner à couvrir les frais engagés par la partie adverse pour sa défense au cas où il jugerait votre recours abusif.
Ainsi, sans toutefois en abuser, il est relativement simple et accessible pour tout.e.s les citoyenne.ens de défendre les libertés publiques.
Afin de vous en convaincre, j’ai déposé un recours le 20 décembre 2021 contre le décret qui a eu pour effet de rendre les tests Covid payants. Vous pouvez prendre connaissance du texte de la requête ci-dessous :
Requête en référé au Conseil d’État
- Vu l’Arrêté du 14 octobre 2021 modifiant l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire
- Vu l’Arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire
- Vu l’Article L3111-2 du code de la santé publique
- Vu le 11e alinéa du préambule de la Constitution de 1946
Considérant que, l’arrêté du 14 octobre 2021 a rendu payant les tests de dépistage du SARS-CoV-2 en l’absence de prescription médicale, de pass sanitaire valable ou encore de symptômes.
Considérant que, ce nouveau mécanisme méconnaît le principe général à valeur constitutionnel de protection de la santé de toutes et tous.
Considérant que, un grand nombre d’individus ne sont actuellement pas vaccinés dans notre pays, actuellement on évalue ce nombre à 5 millions de personnes.
Considérant que, les tests de dépistage gratuits ont prouvé leur efficacité dans la lutte contre la propagation des épidémies virales depuis plusieurs décennies en responsabilisant les individus et en les rendant acteurs de leur santé.
Considérant que, la gravité de l’épidémie ne peut se satisfaire d’un unique moyen médical de lutte contre la propagation du virus sous la forme d’une contrainte vaccinale déguisée.
Considérant que, la vaccination contre le SARS-COV-2 n’est pas obligatoire.
Considérant que, la mesure prévue par l’arrêté du 14 octobre 2021 rendant payant les tests de dépistage du SARS-COV-2 ne vise pas le respect de la santé publique et la lutte contre la propagation du virus mais un objectif purement comptable d’incitation à la vaccination par une contrainte financière.
Considérant que, la mesure visée crée une discrimination économique au sein de la population, doublée d’une discrimination sociale en plaçant une large minorité de la population dans une situation de précarité sanitaire et complique la possibilité de protéger leurs proches conformément aux préconisations de l’État.
Considérant que, la mesure visée entraîne une rupture d’égalité entre les citoyennes et citoyens.
Considérant que, la mesure visée est contre productive pour répondre aux objectifs de santé publique à valeur constitutionnelle.
Demande, l’annulation des dispositions qui entraînent la facturation à l’assuré social ainsi qu’aux non-affiliées des tests de dépistage du SARS-COV-2 et le retour à la lettre de l’arrêté du 1er juin 2021 dans son article 24, qui dispose :
“I. – Par dérogation à l’article L. 6211-10 du code de la santé publique et à l’article L. 162-13-2 du code de la sécurité sociale, tout assuré peut bénéficier à sa demande et sans prescription médicale, d’un test de détection du SARS-CoV-2 inscrit à la nomenclature des actes de biologie médicale pris en charge intégralement par l’assurance-maladie obligatoire. Ces dispositions sont également applicables aux personnes qui n’ont pas la qualité d’assurés sociaux.”
Aurélien Vernet
le 20 décembre 2021
Et la réponse du Conseil d’État le 24 décembre, notifiée le 25, malheureusement ce n’est pas vraiment un cadeau de Noël, mais la réponse est tout de même assez intéressante :
CONSEIL D’ÉTAT
statuant
au contentieux
N° 459655
__________
M. VERNET
__________
Ordonnance du 24 décembre 2021
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE JUGE DES RÉFÉRÉS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. Aurélien Vernet demande au juge des référés du Conseil d’État, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’une part, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 14 octobre 2021 modifiant l’arrêté du 1er juin 2021 et, d’autre part, le retour à la lettre de l’arrêté du 1er juin 2021 dans son article 24 qui dispose que les tests de dépistage
sont entièrement pris en charge par l’assurance maladie.
Il soutient que :
– la condition d’urgence est satisfaite ;
– il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
– la mesure contestée méconnaît le principe général à valeur constitutionnelle de protection de la santé dès lors qu’elle ne vise pas le respect de la santé publique et constitue une incitation à la vaccination par la contrainte financière ;
– elle méconnaît le principe d’égalité en ce qu’elle place une partie de la population dans une situation de précarité sanitaire eu égard au coût des tests de dépistage qui l’empêche de protéger ses proches en appliquant les préconisations sanitaires étatiques.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule ;
– le code de la santé publique ;
– le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence,le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (…) ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.
2. M. Vernet demande au juge des référés du Conseil d’État, par une requête qui doit être regardée comme introduite sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’application de l’arrêté du 14 octobre 2021 par lequel le ministre de la santé a modifié l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire afin de mettre fin, sauf dans certains cas, qu’il énumère, à la dérogation au principe du paiement des tests de dépistage du virus de la Covid-19.
3. M. Vernet soutient qu’en subordonnant ces tests à paiement, l’arrêté porte atteinte au droit constitutionnel à la santé. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l’arrêté que le paiement n’est exigé que pour les tests destinés à permettre l’accès aux lieux où sa présentation est obligatoire, et que les tests pratiqués sur prescription médicale ou pour diverses raisons de santé publique ne sont pas concernés par cette mesure. Aucune atteinte au droit à la santé n’en résulte donc. Il soutient également que cette mesure porterait atteinte au principe d’égalité, serait entachée de détournement de pouvoir pour n’avoir que des motifs financiers conduisant à rendre obligatoire la vaccination, et méconnaîtrait les besoins de la lutte contre l’épidémie de la Covid-19. Aucune de ces critiques n’est relative à une atteinte à une liberté fondamentale.
4. Il résulte de ce qui précède que, faute que la condition tenant à l’atteinte grave et manifestement illégale une liberté fondamentale soit présente, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’urgence de la situation, les conclusions de M. Vernet ne peuvent qu’être rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. Vernet est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Aurélien Vernet.
Fait à Paris, le 24 décembre 2021
Signé : Thierry Tuot
Pour expédition conforme,
La secrétaire,
Agnès Micalowa
Nous pouvons faire une brève analyse de ce jugement :
Ainsi la demande est rejetée car le juge estime que l’atteinte à une liberté fondamentale n’est pas caractérisée, les tests pouvant être prescrit par un médecin et ainsi remboursés ou remboursés pour d’autres motifs de santé publique.
Pour ce qui est des autres moyens invoqués, l’atteinte au principe d’égalité et le détournement de pouvoir, le juge ne se prononce pas car il estime qu’il ne s’agit pas d’une atteinte à une liberté fondamentale qui est ici le cadre du référé.
Ainsi, pour ces deux derniers moyens il faudrait entamer une action de plein contentieux pour que le juge puisse se prononcer.
Concernant l’urgence, le juge ne se prononce pas car c’est inutile en l’absence d’atteinte à une liberté fondamentale.